Drive by night :
Qu’il est agréable de conduire de nuit, sans déconner, il y a des moments où j’envierai presque les routiers. Pour moi, la poésie atteint son paroxysme lorsque la lumière du jour laisse place à l’obscurité de la nuit. Nous immergeant ainsi dans une obscurité intrigante mais profondément désirée. Cet instant de solitude offre tant d’opportunité, celle de réfléchir, de se relaxer ou de se morfondre dans une certaine mélancolie. Tu sais, parfois, j’aimerai prendre ma caisse et rouler jusqu’à ce que le moteur passe l’arme à gauche. Avaler les kilomètres sans me soucier des notions de temps et de distance. Ne faire plus qu’un avec mon véhicule et m’évader, loin, très loin.
Quoi qu’il en soit, dès que j’ai le plaisir de vadrouiller la nuit, trois films me viennent toujours à l’esprit.
– Taxi Driver
– Drive
– Night-Call.
Taxi driver :
Considéré aujourd’hui comme un film culte et à juste titre, Taxi driver est une œuvre destinée à être intemporel. Conséquence d’une réalisation maîtrisée et magistrale de la part de Scorsese. En dehors de la réalisation, Taxi Driver scintille notamment grâce à une synergie brillante de talents. Une synergie qui trouve son origine par la collaboration des membres des 4 fantastiques du cinéma : Scorsese, Schrader, Herrman, De Niro.
Pour le bien du film, Scorsese ne s’est pas privé de mettre les petits plats dans le grand. Et oui, car avec un petit budget de 1,3 million de dollars les options étaient limitées. Le film n’aurait sans doute jamais vu la lumière du jour sans les sacrifices financiers réalisés par De Niro et le réalisateur. Un mal pour un bien. Pour son 5e film, Scorsese éclabousse tout New York avec une réalisation qui frôle à peu de chose près la perfection. Le réalisateur nous offre un tableau à la Van Gogh d’un New York des années 70 aussi sombre qu’hypnotisant. Clé de voute du film, le scénario écrit par Paul Schrader nous séduit par sa qualité et les thèmes abordés. Schrader profite du personnage de Travis pour évoquer les séquelles post-trauma de la guerre du Vietnam, des inégalités sociales qui fracturent la société américaine, et de son passif avec la solitude. Il en résulte une histoire poignante de vérité.
N’allons pas oublier de mentionner une autre pièce maitresse du film, sa musique. Le film ensorcèle son monde grâce à une bande son riche et enivrante. La musique est un point essentiel de la narration. Le jazz symphonique illustre le détachement de Travis avec le monde extérieur. De quoi créer un contraste intéressant avec l’environnement sombre qui l’entoure. Quand les choses s’aggravent le jazz groovy laisse place à des sonorités qui amplifieront le drama des scènes. Une potion malicieusement préparée par le compositeur Bernard Herrmann. D’ailleurs, on prend plaisir à reconnaître les cordes graves que l’on pouvait entendre dans Veritgo (Hitchcock) et Citizen Kane (Welles). Cette B.O est un délice pour les oreilles, malheureusement il s’agit ici du dernier chef d’œuvre du compositeur, quelques heures seulement après avoir composé la B.O de Taxi Driver, Bernard Herrmann décèdera à l’âge de 65 ans d’une crise cardiaque. Un euphémisme de dire que De Niro est habité par son rôle, tant ce dernier délivre une performance musclé et saisissante. Conséquence d’un travail profond en amont. Pour mieux s’imprégner du personnage de Travis, ce dernier s’est immergé dans le monde de la nuit New Yorkaise en devenant chauffeur de taxis pendant quelques mois. L’investissement a porté ses fruits, puisque à l’écran Robert est Travis, et Travis est Robert. Les deux sont devenus indissociables. Sans parler du jeu d’acteur, il faut dire que le personnage de Travis est particulièrement fascinant. Sous ses traits de marginal noctambule, Travis nous obsède par sa personnalité complexe d’anti-héros. Un homme paumé et traumatisé par les traumatismes causés par son passif de Marines au Vietnam… Cherchant désespérément à trouver un sens à sa vie, celui-ci est sens cesse renvoyer à sa propre solitude, confronté chaque nuit à la violence et à la perversion de la nuit new-yorkaise.
Pour la petite histoire, le personnage cabossé de Travis inspira tristement des années plus tard, Juger Hinckley. Après avoir vu près de 15 fois le film et lu à de nombreuses reprises le livre qui avait inspiré Taxi Driver, le fan était complétement obsédé par l’histoire de Travis, se confondant ainsi avec le personnage. Le fan harcela à de nombreuses reprise la jeune actrice, Jodie Foster, puis tenta plus tard d’assassiner le président Ronald Reagan en 1981. Reproduisant ainsi une partie du scénario du film.
Il ne faut pas oublier d’ailleurs de parler des rôles secondaires. Robert de Niro n’est pas le seul à crever l’écran. En témoigne, les prestations mémorables de Jodie Foster, Harvey Keitel et Cybill Shepherd. Mention spéciale au joli caméo de Scorsese, dans la peau d’un client aussi intrigant que malveillant. Le réalisateur est aussi épatant devant que derrière la caméra.
Drive :
Drive, est un film thriller/Dramatique réalisé par Nicolas Winding Refn, sorti en 2011. Le film est adapté du roman du même nom, écrit par James Sallis (2005).
Le synopsis :
Mécanicien le jour, chauffeur pour malfrats la nuit, « Le conducteur » sillonne les rues de Los Angeles comme personne. Tentant d’instaurer un semblant d’équilibre dans sa vie, celui-ci se retrouve face à ses anciens démons lorsqu’il décide de venir en aide à sa voisine de palier.
Mon ressenti :
Sorti en 2011, Drive n’a pas tardé à passer la 6e pour se hisser au rang de film culte en quelques années. Alors oui la classification d’un film au rang de film culte est totalement subjective, mais on ne va pas se mentir, le film a quand même bon nombre d’arguments sous le capot. Drive a beau avoir une réalisation simpliste et un style de narration très linéaire, il n’en reste pas moins un long-métrage maitrisé de bout en bout. Tout a été pensé pour que le spectateur ne décroche pas de l’écran. Il est impressionnant de voir comment la gestion du rythme du récit a été conçue. C’est simple, les scènes lentes sont légitimes et les séquences plus courtes sont drôlement efficaces. Même avec un format court (1h35), Drive ne laisse personne sur sa faim. Ce qui marque le plus dans Drive, c’est que l’histoire a beau se passée dans un Los Angeles des années 2010, on s’étonne à voyager dans le temps. Une agréable atmosphère des années 1980 se dégage de la réalisation de Nicolas Winding Refn. Entre des voitures rétro, des décors old-school et l’omniprésence de la musique synthwave, on remonte le temps.
La bande originale occupe une place prépondérante dans Drive. Elle est dans un sens un « papier peint », elle sublime l’œuvre sans jamais autant prendre le pas sur l’action. Elle complète même le film, dans le sens où elle nous aide à comprendre ce qui se trame dans la tête du personnage principal. La musique électronique est de temps en temps abstraite pour que les spectateurs puissent voir les choses du point de vue du chauffeur. Quand l’on pense à Drive, le morceau de Night Call composé par Kavinski revient immédiatement en tête. Un morceau idéal pour sublimer l’ambiance noire et mystérieuse du Los Angeles nocturne. Il prend tout de suite le spectateur à la gorge. Mais il faut aussi souligner, le prodigieux travail réalisé par Cliff martinez. Les compositions sont fidèles à l’âge d’or de la synthwave des années 80. On se laisse bercer par l’omniprésence de claviers électroniques et de caisse de percussions. Dans le récit, la bande originale est séparée en deux partie. La première partie du film nous offre une sélection de morceaux synthwave de différents artistes puis dans la deuxième partie les compositions de Cliff Martinez.
Les morceaux entendus dans le film :
- Kavinsky – “Night call”
- College feat. Electric Youth – “A real hero”
- Desire – “Under your spell”
- Craig Riley – “Back in Toon”
- The Chromatics – “Tick of the clock”
- Riz Ortolani – “Oh My Love”
Si “Night Call” nous percute dès le début du film, le magnifique “A Real Hero” de Electric Youth nous met tapis au sol avec un puissant uppercut. Un coup dans la caboche qu’on n’est pas près d’oublier. En ce qui concerne l’acting, Drive fascine avant tout par son personnage qui n’est pas sans rappeler un certain Travis (Taxi Driver). Ryan Gosling nous impressionne avec une interprétation sombre et énigmatique. Incontestablement le film qui a hissé Gosling dans les stratosphère d’Hollywood pour de bon. Dans la peau d’Irene, l’actrice Carey Mulligan seconde à merveille la performance de Gosling. Bien que son personnage soit un peu plus en retrait, elle ne manque pas d’apporter une touche de sensibilité et d’émotion dans ce thriller froid. Une fois le film vu, les images et la musique nous hantent pour toujours. Il faut dire que dans Drive l’alchimie musique et cinéma est à son paroxysme.
Night Call :
Night Call est un thriller écrit et réalisé par Dan Gilroy, sorti en 2014.
Le synopsis :
Branché sur les fréquences radios de la police, Lou parcourt Los Angeles la nuit à la recherche d’images choc qu’il vend à prix d’or aux chaînes de TV locales. La course au spectaculaire n’aura aucune limite.
Mon ressenti :
Perturbant, fascinant, choc, tels sont les mots qui pourrait décrire au mieux l’expérience que Night Call propose. Pour ma part ce film m’a littéralement subjugué, raison pour laquelle je ne me lasse pas de me le refaire assez régulièrement. Au travers de son récit, Night Call nous immerge de la manière la plus dérangeante possible dans le milieu des NightCrawlers (titre original du film). Les chasseurs d’images ont pour mission de vendre aux chaines d’info, les images les plus percutantes possibles et cela afin d’assouvir les besoins malsains de l’audience. Mais comment choquer les téléspectateurs lorsque qu’ils sont déjà quotidiennement confrontés à une multitude d’images via de nombreux écrans ? Et bien, c’est simple. En allant encore plus loin dans l’immoral. Night Call met en lumière la nocivité du contenu proposés par les chaines d’informations (américaines) en évoquant leurs quêtes malsaines et sans fin aux images choquantes. Une chasse qui au fil du temps déshumanise chaque jour un peu plus les personnes impliqués dans le processus.
En suivant les trajets mouvementés de Louis Bloom, nous sommes ainsi conduits dans les méandres de la vie nocturne de Los Angeles. A l’écran, la cité des anges semble plus cauchemardesque qu’il n’y parait réellement. Somptueusement filmé, la ville ne tarde pas d’ailleurs à s’illustrer comme le personnage principal du film.
Avec la plus grande attention, nous assistons impuissant à l’épanouissement d’une fleur sauvage nommée Louis « Bloom » (oui le nom est très indicatif). Un pigiste sans état d’âme interprété avec brio par Jake Gylenhaal. À mes yeux, l’une de ses performances les plus marquantes de sa carrière. Il faut dire que Jake se voit récompenser pour son implication. Avec 9 kilos en moins sur la balance, il apparait à l’écran profondément amaigri. L’acteur nous interpelle avec ses joues creuses et ses yeux presque exorbités. De quoi offrir une riche palettes d’expressions faciales inquiétantes à son personnage. Jake Gylenhaal a aussi profité du fait que le tournage se passe principalement la nuit pour donner plus de crédibilité à son personnage. L’acteur s’était exprimé sur le fait que le décalage horaire et la fatigue l’a aidé à faire ressortir les émotions plus naturellement. Pour notre plus grand plaisir, cette descente aux enfers se termine avec un final insoutenable, où l’on subit complètement ce qu’il se passe à l’écran. En suivant la quête sans fin d’images plus bouleversantes que les précédentes, nous dévalons les rues de Los Angeles à un rythme effréné.