
À l’occasion d’une carte blanche à Askip du 24 janvier au 7 mars 2025, les éditions FP&CF exposent 15 ans d’archives. Nous avons rencontré Maxime Milanesi, co-fondateur avec Claire Schvartz, pour revenir sur les prémices de cette maison d’édition et évoquer le parcours d’un observateur qui débute sur Flickr…
FP&CF voit le jour en 2008, à ce moment-là les années 2010 marquent l’émergence de l’auto-édition, « à Paris il y a eu l’ouverture du BAL qui est un lieu dédié à la photo à Paris dans le 18ᵉ qui a accompagné cet essor-là. Il y a eu les premières foires du livre, comme Offprint. C’était un moment où le livre prenait vraiment de l’ampleur ». L’aventure démarre avec le projet participatif “ Tell mum everything is ok ” : « Sur Flickr, tu avais aussi des forums, nous on veut faire une revue participative, c’est-à-dire que n’importe qui est invité à y contribuer en envoyant une photo […] des gens réagissaient au thème et nous envoyaient une photo ou deux. Avec Claire, une fois que la deadline était passée, on se posait et puis on regardait toutes les photos. On construisait la revue comme ça. On a fait six numéros ». L’idée plaît et les 150 exemplaires du premier numéro se vendent en 3 jours : « ça nous a vraiment donné envie de continuer ! Dans la foulée, on a fait un deuxième et un troisième volume en moins d’un an. Là c’est pareil, on a reçu des milliers de contributions, donc à chaque fois on augmentait le tirage […] On a fait six numéros. Le dernier on avait carrément changé le format. Quelque chose de plus professionnel aussi ». En parallèle de la photo, l’illustration trouve rapidement sa place chez FP&CF, toujours avec cette envie d’archiver ce qu’on trouve sur Internet, « on a toujours eu une audience qui était volontairement internationale. Alors ça reste des éditions de niche, on n’a pas une audience importante. Mais on s’est toujours adressé à tout le monde, et via Internet. Donc je publiais pas forcément des gens que je connaissais, c’était des gens dont j’appréciais le travail. Par exemple, le bouquin Moving Towards Going Away « Blueshift – Redshift » (de Mike Sally Redmond sorti en 2012, ndlr), c’est quelqu’un que je suivais sur Flickr. Il est de Manchester et on a fait ce livre sans se rencontrer. On s’est vraiment rencontrés au moment où on a publié un autre livre ensemble : Behind The Wild Heart en 2014 ».

La production était principalement autonome, dans une « chambre à Paris avec la machine riso qui était uniquement pour l’illustration, […] on a très vite mis l’accent sur le fait que ce soit nous qui fabriquions les choses ». Même si l’envie de refaire des projets comme des fanzines soit dans un coin de la tête, FP&CF se présente aujourd’hui avec des projets de d’autres formats comme la collection PANAMA (2024) qui regroupe une série de trois ouvrages d’artistes : La Couleur du Geste de Héloïse Bariol, Coloramadre de Geoffroy Pithon et Le Parfum du Silence de Bonnie Colin. Le premier palier pour la maison d’édition est symbolisé par le livre From The Archives de Don Hudson en 2012 : « C’est le premier livre où on a mis beaucoup d’argent. Avant, on faisait surtout du fanzine, cet exemplaire je l’ai tiré à 800 exemplaires. Don Hudson c’est quelqu’un qui était complètement inconnu. C’est un photographe amateur qui vit aux États-Unis et ce ne sont que des photos de ses archives. On ne savait pas du tout si ça allait marcher. Heureusement, on a pu rentrer dans nos frais. Mais il a fallu débourser beaucoup d’argent pour ce livre, c’était vraiment un gros pari […] Après, on a quand même continué de faire des fanzines, c’est au fur et à mesure que tu fais des dossiers, tu as parfois des aides publiques… ». Aujourd’hui, le plus gros succès de FP&CF est signé Thomas Couderc avec Manhoru (2020). Un livre qui archive les plaques d’égout des rues au Japon, qui, très différentes de celles en France, raconte une histoire ou représentent des mascottes et légendes locales.

Présentant son travail d’illustrateur dans les pages du magazine Society, mais aussi aux côtés de Nicolas Pellion et Pure Baking Soda, Hector de la Vallée accompagne les éditions FP&CF depuis plusieurs années : « le tout premier livre qu’on a fait avec Hector, c’est Ebenezer (2010). C’est vraiment le premier fanzine, à l’époque on avait une très vieille machine et on faisait l’imposition directement sur la vitre du riso, on n’avait pas d’ordi. Je connaissais le travail d’Hector sur internet, et je lui ai dit « Salut, on a une maison d’édition, est-ce que ça t’intéresse qu’on publie ton travail ? ». On s’est rencontrés, il travaillait déjà avec Guillaume Grall. On est tous les trois devenus amis à ce moment-là. J’ai ensuite proposé à Hector qu’on publie des fanzines et ces deux monographies : Le monde existe même quand je dors (2018), et DIMANCHE POUR TOUJOURS (2021) ».

Une des volontés de FP&CF est de proposer une forme de médiation, un accès à la culture et à l’édition. « L’idée, c’est qu’on essaie que le lecteur puisse rentrer dans l’univers d’un artiste ou d’une artiste via le livre. Avec Tu Préfères? de Pablo Grand Mourcel (2024), on a choisi la couleur du bandeau, le papier, le marquage est de la sérigraphie. On multiplie les techniques aussi pour générer une matérialité. On essaie aussi d’avoir des prix pas trop élevés pour que tout le monde puisse aussi s’approprier un univers graphique, artistique ». Parallèlement aux éditions, « il y a le studio FP&CF qui est une entité qui peut prendre à sa charge du développement éditorial. Ce que je propose, c’est tout clé en main, c’est à dire que je fais le design avec un ou une graphiste, je fais le suivi de fabrication avec une imprimerie et la diffusion en librairie ».
Malgré les différents artistes que FP&CF édite depuis maintenant 15 ans, l’exposition permet d’apprécier l’identité graphique de tous ces ouvrages. Bien qu’il n’y ait pas de direction rigide cela s’explique du fait que la maison d’éditions est guidée par des coups de cœur. Et c’est justement ce côté organique qui rend cette bibliothèque si agréable à être contemplée.