Pendant que Isha écoute Green Montana dans la gova, Damso, lui, met YG Pablo et Frenetik dans la ture-voi. Un peu comme Dr. Dre qui écoute ses sons en voiture pour savoir s’ils sont bons, en Belgique on ride avec ses rookies. Le 22 janvier dernier, YG Pablo et Frenetik sortent leurs projets. Très bien reçus par le public, la mixtape Jeu de couleurs en surprendra une partie.
Artiste en vogue dans le paysage francophone depuis 2020, Frenetik sort son EP Brouillon en mai en licence avec BlueSky et Jeunes Boss pour le management. Le morceau “Trafic” donne déjà le ton de ce qui arrivera. Une atmosphère brute, capturée dans un clip esthétique sous la direction du duo ARGO Films. Quelques mois plus tard, le jeune belge intègre le rooster Epic Records France et performe chez COLORS avec le titre “Infrarouge”. Toujours sous la direction de ARGO, ses clips continuent d’être soignés, notamment pour le morceau “Chaos”,qui connaît une version alternative “Soahc”. Le clip s’accorde avec les reverses de piano et l’interversion entre les figurants et l’artiste.
L’image est un facteur important pour Frenetik, il a su imposer son univers visuel ; parfaitement retranscrit à travers la pochette de Jeu de couleurs. Réalisée par Fifou et le collectif Blakhat, la pochette montre le jeune rookie dans une flaque d’essence, quelques résonances de BPM suffisent pour perturber l’équilibre de la flaque et montrer ainsi les différentes gradations de l’artiste.
Comme un Rubik’s Cube, la mixtape se partage en plusieurs couleurs, passant de “Bleu” au “Jaune” jusqu’au “Rouge”… On découvre une nouvelle facette de l’artiste, plus douce et mélodieuse. Certains morceaux varient la tape comme le morceau “Blanche Neige” précédant “Lumière” et développant une ambiance sombre en renforçant ce côté hétérogène au projet. Ce mélange trouve sa place dans le morceau “Mode furtif”, alternant entre calme et énervement. Cette nouvelle palette de couleurs, Frenetik a préféré la présenter seul, sans featuring, pour ainsi mieux exposer les nuances qui la composent.
Accompagné d’un arpège de guitare pour le morceau “Frérot” rendant hommage à une bromance qu’il partageait avec un de ses frères. Frenetik s’est entouré d’une poignée de producteurs talentueux pour cette mixtape. À ses côtés, on retrouve Chuki Beats qui est pratiquement son producteur attitré, Dolfa, Twinsmatic mais surtout le généreux Sofiane Pamart sur “Noir sur blanc”. Frenetik a compris que pour être entendu il suffisait simplement de s’adapter à la forme actuelle, ses morceaux terre à terre sont modernes grâce aux productions. On le remarque notamment avec “McLaren” ou “Ultraviolet” avec des effets similaires à ceux de Travis Scott.
Pendant ce temps, l’artiste du groupe Elengi Ya Trafic noircit ses pages, ses textes matures et réfléchis le distinguent des autres rappeurs de son âge. Il a l’intelligence de savoir où ça fait mal et comment faire entendre son coup. Il cultive son écriture par des punchlines ou jeux de mots : « En vrai ça m’effraie, quand il s’agit des euros, plus personne n’est franc » dans “Lumière”. Par son rap imagé, il décrit des scènes détaillées avec une écriture aiguisée comme dans “Mauvais œil” avec « C’est dans une de tes deux jambes que la balle viendra se loger ».
Frenetik sait que ses œuvres traverseront les époques, ce qui compte pour lui, c’est le message qu’il souhaite transmettre. Le dernier morceau, “Mouvement historique” commence par ce qui semble être la fin et recommence quelques minutes plus tard en se terminant avec une réflexion sur l’acceptation de ses échecs, dans le but de devenir meilleur.
Au-delà du fait que Frenetik s’impose comme la nouvelle figure du rap belge, il s’impose aussi à travers son rythme qui va à contre-courant du jeu médiatique. S’il parle peu, c’est pour avoir plus de temps à observer ce qui l’entoure et ainsi retranscrire les scènes le plus fidèlement possible. Frenetik nous montre surtout qu’il est capable de faire varier son rythme comme il le fait avec ses jeux de couleurs.