Selon la définition du Larousse, l’entrepreneuriat est ce qui recouvre les activités qui concourent à la formation et à la croissance d’une entreprise, dont la conséquence première est la création de valeur. Booba est parfois aujourd’hui plus reconnu comme un entrepreneur qu’un rappeur. Une qualité qu’il a toujours revendiqué au fil de sa carrière, et qu’il a démontré. Que ce soit dans la création du média OKLM, dans sa marque de vêtements DCNTD,ou encore dans les spiritueux. Mais la partie la plus importante de l’ensemble de ses « business » est probablement la production musicale. Début 2018 il lance son nouveau label 7Corp, avec l’ambition de débusquer les futurs talents d’une variété française 2.0. Nous allons tenter de comprendre les enjeux de cette nouvelle maison de disque.
Mais avant toutes choses, qu’est-ce qu’un label ?
Le terme label est en fait un anglicisme qui renvoie à « marque ». Il est chargé de produire, éditer et distribuer le travail des artistes qu’il a signé. Mais la réalité est un petit peu plus compliqué puisque finalement peu de labels distribuent eux-mêmes leurs musique (d’autant plus les labels indépendant). Pour être rapide, 3 maisons de disque se partagent 77% du gâteau à l’échelle mondiale : Universal, Sony et Warner, on parle des majors. Puis on retrouve les filiales : l’ensemble des labels (généralistes ou pas) étant rattachés à un major comme par exemple Capitol Music. A l’intérieur de ceux-ci on a les labels indépendants. Les deux labels que Booba possède, à savoir 92i et 7Corp y sont rattachés. Avant d’aller plus loin concernant le cas de 7Corp, qui a vu la signature de Bramsito, Nadjee, Dixon et Lestin, nous allons revenir partiellement sur le parcours de producteur du Duc, qu’il a mené en étroite collaboration avec celle qui gère sa carrière depuis bientôt 15 ans : Anne Cibron
Après avoir quitté 45 Scientific fondé avec Géraldo, et Ali (un label crée pour faire paraître Mauvaise Œil) il monte le label Tallac Records en 2004. A une époque où encore 6 majors se partagent l’industrie musicale, il décide de fonder sa propre maison de disque. Son nom est emprunté à la colline du petit ourson Bouba. Le premier projet du label est Panthéon. 11 ans plus tard, après avoir produit cinq albums et quatre mixtapes il fonde 92i records. Ce nouveau départ va se présenter comme une filiale d’AZ/Capitol/Universal. Il connaîtra notamment la signature de Shay, 40000 gang, et Siboy. En 2016 il réussit son plus gros coup avec l’arrivée de Damso et la sortie dans la foulée de Batterie Faible qui sera certifié disque d’or en 4 mois. Jolie Garce de Shay sortira quant à lui à la fin de l’année. En 2017 il y aura le deuxième album du rappeur belge, Ipséité, puis Spécial de Siboy. Le dernier réel succès du label reste Lithopédion, à ce jour double disque de platine. Le bilan est plutôt positif.
L’artiste lance alors début 2018 7Corp. Il met en avant la volonté de vouloir lancer un label pas nécessairement dédié au rap mais plutôt à la forme que prend la variété française aujourd’hui. Le Duc et sa manageuse travailleraient alors avec les jeunes artistes à la fois d’un point de vue artistique et stratégique, avec l’ambition de gérer leurs carrières de A à Z.
Aujourd’hui quatre artistes y sont signés : Bramsito, Dixon, Lestin et Nadjee. Le qualificatif qui leur colle le mieux serait celui de chanteur. On peut déjà retenir qu’ils sont très bien produits ; un mixage et un mastering très professionnel est réalisé.
Bramsito est la première signature du label. Découvert par l’ensemble du public avec Sale Mood, titre dans lequel Booba lui offrait sur un plateau le feat qui allait le faire exploser (on parle de 103 millions de vues) il sort son album Prémices l’année suivante.
Dixon démarre lui sa carrière en participant à l’émission Nouvelle Star de M6. Puis il sort En vue fin 2018, le titre qui va le faire connaître. C’était en effet un choix judicieux puisque le morceau a très bien fonctionné, il offre une carte de visite très intéressante au chanteur. Quelques mois plus tard il sortira 100 pas, là où En vue avait peut-être ce quelque chose de R&B, le dernier single de Dixon assume lui totalement son empreinte pop.
Nadjee quant à lui fera ses premiers pas dans la musique sur les chœurs du titre Pourquoi c’est beau d’un certain Christophe Maé. Lors de la sortie de son premier single on remarque une grande importance pour la mélodie et les mots. Sur A l’envers, il parvient à mêler chant et rap, avec des couplets qui voient les deux styles se mélanger. Avec Pas là-bas, sa première réalisation sur le label on constate tout de suite qu’il n’est plus seul dans son home studio, en allant plus loin on repère vite l’empreinte du rappeur de Boulogne. Cette auto-tune, ce mixage et ce mastering est très semblable à celle utilisé par B2o. Enfin on constate qu’un budget conséquent a été alloué au clip. Lestin est sûrement l’artiste le moins connu de 7Corp. Avec ses deux titres sorties sur le label, il démarre doucement.
On peut aisément et malheureusement traiter les productions du label dans leurs ensembles. Sur des beats très similaires les uns aux autres, les titres issues de 7Corp se ressemblent énormément. Alors oui on peut évoquer la volonté de cohérence, mais la notion de particularité demeure primordial dans la musique. Malheureusement si l’on compare chanson après chanson on parvient difficilement à relever des différences notables entre les artistes. Néanmoins ce qu’on décèle avec beaucoup de facilité c’est la volonté de créer des hits. On comprend la tentation de sortir des singles à la pelle lorsqu’on est producteur. Gainsbourg disait « Lorsque je sors un album un ou deux titres passent en radio, lorsque je sors dix 45 tours, les dix passent en radio », 50 ans plus tard le calcul ne change pas. Il est indéniable que cette stratégie fonctionne et qu’elle va permettre à Booba d’avoir la mainmise sur les futures stars de la chanson française. De plus via l’appui médiatique de l’artiste lui-même sur Instagram mais aussi celui de OKLM les productions du 7Corp ne passent pas inaperçu.