Ces dernières années Roubaix reçoit de plus en plus de lumière. En particulier dans le rap où la ville accède à une visibilité nationale. Cette visibilité est dûe à un rappeur en particulier, Gradur. En 2014, le jeune lillois sort une série de freestyle ‘ Sheguey ’ avec la mixtape ShegueyVara, puis, quelques mois plus tard, livre son premier album ” L’Homme Au Bob “ qui rayonne dans toute la France. Depuis ce coup de projecteur sur la ville de Lille, de nouveaux artistes ont émergé, on y retrouve ZKR, Krilino, Sofiane Pamart, Sto, Bekar […].
C’est sur le jeune Bekar que l’on va s’attarder aujourd’hui. Membre du collectif NorthFace Records, il est signé sur le label Panenka Music de Fonky Flav’ rejoignant ainsi PLK, Georgio, Contrefaçon …
Un an et demi après son premier projet Boréal, il nous livre sa nouvelle mixtape Briques rouges en septembre dernier. Briques rouges nous donne l’impression d’avoir été réfléchie comme un album car on y retrouve une vraie ossature et l’enchainement des morceaux est construit de manière logique. Le premier morceau débute sur l’enclenchement d’une cassette qui, sur les dernières minutes du morceau de fin, s’arrête ; comme si cette mixtape était une séquence.
Si cette mixtape est aussi cohérente c’est surtout grâce à sa production musicale. Bekar a la chance d’avoir trouvé son acolyte Lucci’ pour les prods, et l’équilibre de leur travail se retrouve à travers la mixtape en partie dans sa direction artistique. La cohérence de ce projet joue sur leur complémentarité. L’arrangement et le mixage est aussi très bien travaillé et, lors d’une écoute au casque, on remarque plusieurs effets et détails subtils comme les sons binauraux.
Le premier morceau de B.E, débute avec une note vocale qui semble être un moyen qu’utilise l’artiste pour capturer ses mélodies. Une note vocale qui lui permet d’entamer le premier couplet du projet. 3-4 mélo dans la boite crânienne […] continue-t-il de chanter sur Soleil s’allume. Bekar se distingue avec des mélodies pour chaque morceau.
Son côté énergique est, la plupart du temps, recouvert par son flow mélancolique et les souvenirs qu’il illustre. Destinée, Hal & Malcolm mais surtout le morceau Kid Cudi qui, par son titre, fait référence à un artiste mélancolique et dépressif. Pourtant Bekar ne semble pas être autant atteint par la dépression que Kid Cudi. Il ressasse des bons moments dans sa ville et Tiekar en est l’exemple, un morceau qui permet d’élargir sa palette musicale avec un côté ensoleillé qui raconte un été dans un quartier illuminé par le rouge de ses briques. L’artiste de Roubaix a de l’amour pour sa ville, jusqu’à interrompre le morceau éponyme par un extrait de C’est arrivé près de chez vous avec Benoît Poelvoorde. L’extrait parle des briques rouges, celle qui habillent les rues de Roubaix, avant de laisser place au récit du panorama dans lequel Alexandre Becquart a grandi. Roubaix fait partie de son ADN, jusqu’à privilégier sa ville où les versions physiques sont uniquement disponibles à la Fnac de Lille (et sur son site internet).
Le dernier morceau rassemble son côté énergique et son côté mélancolique. Les deux parties d’Avant ça sont séparées par un extrait d’une discussion avec Bekar. Ce dernier raconte l’importance, pour lui, d’être sincère dans ses morceaux, vouloir être universel n’est pas sa priorité. Et étrangement, ce sont les morceaux les plus introspectifs qui touchent le plus de personnes.
Dans ses morceaux, Bekar aborde des thématiques variées et intelligentes. Il souhaite faire passer un message, celui de croire en soi, qu’il n’y a pas vraiment de chemin pour emmener notre rêve là où on le souhaite. Cette idée se retrouve dans le morceau Destinée, un morceau qui est probablement une référence au morceau Destinée de Booba sur Temps mort avec Kayna Samet.
L’univers du jeune B.E est, en partie, marqué par l’inspiration de Nekfeu. Ces références au rap français se retrouvent de manière subtile, comme le morceau Anxiolytique qui fait penser aux notes de L’enfant seul d’Oxmo Puccino. Dans ce morceau B.E raconte son adolescence, et de sa volonté de ne pas faire la connerie de trop, « comme Cory Kennedy » qui, sous l’emprise de drogues, avait involontairement tué son ami photographe Preston Maigetter dans un accident de la route.
Briques rouges se clôture sur le son d’une cassette qui se termine et les murmures des vagues sur les plages du Nord. A travers cette mixtape, on comprend que Bekar est un artiste nostalgique et qu’il aimerait ralentir le temps pour saisir les graines du sablier. Ces prochaines années lui permettront de continuer à mettre en lumière une ville qui ne sera plus seulement connue pour ses briques rouges.