Lorsqu’on erre dans la rue, les nuits peuvent être longues pour qui n’y est pas préparé, alors imaginez celles de Damlif. Devenu un Homme qui se permet de vivre, l’artiste parisien nous a proposé un retour surprenant il y a quelques semaines avec Marcelle. Après I, Who Dreamed sorti en 2018, quelques singles, et des collaborations avec Sheldon, Damlif nous délivre un très beau voyage en 8 titres.
Damlif, c’est la solitude des grands espaces, un sentiment d’agoraphobie dans une foule compacte. Il parvient avec peu de mots à rendre limpide et palpable ce sentiment, peut-être le nouveau mal du siècle, ce fameux “est-ce que tu vas bien ? Qu’est-ce qui t’empêche d’aller bien ?”. C’est la question qu’on a envie de lui poser durant les 20 minutes de Marcelle.
« Nique le rap, on est pas marié » comme il le scande au début de Marcelle entre. Damlif, ça fonctionne car c’est un mélange de plusieurs couleurs musicales, n’ayant peut-être sur le papier rien à voir l’une avec l’autre, mais qui à l’écoute dévoile une étonnante alchimie. Rapper il sait faire, aucun doute, son bagage culturel rap il l’a aussi. Sa véritable force est d’avoir une culture musicale d’un autre genre, celle de Tom Waits, des Beatles, de Led Zep’ ou encore de Michel Jonasz. Ça lui confère une particularité supplémentaire. On est également très peu étonné qu’il cite parmi ses influences Tyler ou encore Blood Orange, des artistes bousillés de rap, mais qui se sont affranchis de ses codes pour proposer une musique d’un nouveau goût.
Oscillant entre de la variété, une énergie rock et une composition rap, Damlif apporte quelque chose de très singulier au paysage musical français. Avec un projet produit à la fois par lui-même, mais aussi par Sheldon et Toboë, ce 8 titres détient une certaine originalité de création. Enfin avec un mixage et un mastering signé Sheldon, on a une pureté de finition propre au célèbre producteur-rappeur de la 75e session, d’ailleurs présent sur l’excellent Mourir comme ça.
On ressent différents états à l’écoute de Marcelle, on a l’impression d’être à la fois dans 12 m2 avec vue sur le ciel, dans un apaisement total, mais aussi dans une tourmente et une violence intérieure. Là où il nous fait du bien, c’est qu’il parvient à la fois à osciller entre un vocabulaire varié sur un titre, puis sur l’autre à quelques éléments de langage pour seules ponctuations, et ceci tout en douceur.
Le profond sentiment de Damlif, c’est que tout est comme avant sauf que maintenant tout est différent. Finalement, c’est beaucoup moins marrant d’observer les choses quand on les a 8h durant devant soi, mais, quand de temps à autres on recroise son mal être, il peut parfois être gracieux. Damlif c’est ça, se débarrasser d’une souffrance, puis passer le reste du temps à lui courir après.
Chorégraphier son imaginaire, sublimer chacune de ses pensées anodines, c’est ici que réside sa véritable force. On s’était déshabitué à une écriture si singulière, innovante ou propre à un siècle passé. Au fond, tout ce qu’on espère, au détriment de son bonheur, c’est que Damlif ne trouve jamais la sérénité. S’il parvient à nous proposer des textes, des ambiances et des interprétations aussi fortes que les 8 de son EP, alors oui, souhaitons lui une quête sans fin.
Bref, écoutez Damlif.