L’équipe de France féminine de squash a remporté son premier titre européen au début du mois de mai. Un succès acquis à Birmingham, sur les terres de l’ennemi anglais qui restait sur cinq victoires de rang… face aux Françaises. Pour i-t-w, Enora Villard, Camille Serme et Mélissa Alves – trois des quatre championnes d’Europe -, ont accepté de revenir sur cette victoire au goût d’histoire.
Avec l’Euro par équipes de squash, c’est comme si la guerre de Cent Ans ne s’était jamais arrêtée. Depuis l’an 2000, 24 des 38 finales voyaient s’affronter une équipe française et anglaise : 18 chez les hommes, pour trois victoires françaises, et 6 chez les femmes où les Bleues ont enfin vaincu le signe indien en ce début de mois de mai. C’est à Birmingham que la bande à Camille Serme et Coline Aumard, les taulières de l’équipe, ont brisé la malédiction de cinq finales perdues de rang. “L’année dernière (à Wroclaw, en Pologne, ndlr.), quand on était sur le podium et qu’on a appris que c’était à Birmingham cette année, on s’est dit, « l’année prochaine on bat les Anglaises chez elles ». On a travaillé toute une année pour ça”, annonce fièrement Enora Villard. Quelques jours après cet exploit, parce que c’en est un, les squasheuses tricolores se rendent compte de l’ampleur de leur victoire : “Je suis heureuse d’avoir marqué l’histoire du squash”, savoure Mélissa Alves, vainqueur du match décisif, on y reviendra. Pour toutes, c’est le plus grand moment de leur carrière, un sommet de tension et de joie intense : “Honnêtement je pense que c’est mon plus beau moment en carrière. J’ai déjà gagné un tournoi international en individuel mais ça n’a rien à voir. L’équipe de France c’est vraiment quelque chose de particulier” (Villard), “En émotions, c’est très très très fort” (Alves), “C’est différent de ce que j’ai pu vivre en individuel (elle a remporté trois tournois Majeurs, ndlr.), mais tout aussi fort en émotion” (Serme).
Un team spirit au sommet
Ce qui a fait la différence cette année c’est indéniablement l’esprit collectif, renouvelé. “On a réussi à construire quelque chose ensemble, notamment avec le bronze du Mondial décroché en septembre dernier à Dalian, en Chine. On a vraiment capitalisé là-dessus”, explique Camille Serme, numéro 4 mondiale. “Ce sont des filles que je connais depuis toujours. On a tellement envie de jouer ensemble, l’une pour l’autre que ça se ressent sur le terrain. Je pense que c’est ce qui a fait la différence cette année, on était beaucoup plus soudées. On a fait bloc face aux Anglaises”, appui Mélissa Alves, l’héroïne de la finale.
Enora Villard, la quatrième femme soit celle qui reste la plupart du temps sur le banc, a très bien intégré son rôle. Après avoir joué et gagné lors du premier match face à l’Espagne, l’Aixoise de naissance n’a plus remis un pied sur le court. “Personnellement, c’est un peu dur d’être dans cette posture-là et de ne pas pouvoir plus jouer, mais je sais que je participe activement à l’équilibre de l’équipe. Il y a une très bonne entente, aucune zizanie. Il n’y a pas de rancœur quand l’entraîneur annonce l’équipe”, raconte-t-elle. Il est vrai qu’une équipe de squash, comme en tennis, en football, en rugby ou en volley, ne peut pas gagner sans un équilibre collectif développé, infaillible. C’est ce que Philippe Signoret, le coach de l’équipe de France, a réussi à créer avec ce quatuor magique – Serme, Alves, Villard, Aumard – vainqueur des Anglaises pour la première fois de leur carrière. Ces dernières avaient remporté 40 des 41 dernières éditions de la compétition. “C’est un authentique exploit”, savoure Serme.
Un match décisif de rêve pour un bonheur éternel
L’année dernière, face à la même adversaire, l’Anglaise Victoria Lust, Mélissa Alves s’était inclinée lourdement. C’était aussi un troisième match décisif en finale de l’Euro par équipes. Le samedi 4 mai dernier, c’est une tout autre joueuse qui s’est présentée sur le court de l’Edgbastone Priory Club de Birmingham. La Guyanaise était littéralement dans la zone. “On se regardait avec Enora et on disait « mais c’est quoi là, regarde », on en rigolait parce qu’on ne l’avait jamais vue comme ça”, retrace Serme, toujours sur les fesses de la performance de la 46eme mondiale.
Pour le récit du match, laissons l’intéressée la raconter.
“Dès que je suis rentrée sur le terrain, j’ai senti que c’était différent des autres jours. J’étais sur un nuage, dans la zone. Rien ne pouvait m’arriver, me toucher, j’étais un peu au-dessus de tout, je me sentais limite invincible. Je sentais que tout ce que j’allais tenter, j’allais le réussir. J’étais persuadée que je pouvais la battre, je n’en ai pas douté une seconde. C’était un petit peu dingue d’avoir remporté les deux premiers jeux en 15 minutes. C’était surréaliste. J’étais un peu choquée. Je m’attendais à ce que ça s’équilibre. Quand je perds le troisième, c’est un peu comme si je m’y attendais. Vu mon niveau de jeu depuis le début du match, je savais que ça pouvait repartir dans le quatrième jeu. C’est ce qui s’est passé.”
Mélissa Alves
Finalement, la vainqueure de la Challenge Cup de Hong Kong en janvier 2019, l’emporte à la suite d’un point rondement conclut par une amortie trompant son adversaire anglaise. Malgré la vérification vidéo des arbitres, elle a bien remporté ce match et offert un premier titre continental par équipes aux Bleues. Un succès aux allures de bonheur éternel. “Là on ne s’est pas retenues, c’était ouf surtout pour Coline et Camille qui attendaient ça depuis tellement longtemps. Mélissa, elle, ne réalise pas trop”, se remémore pour l’occasion Enora Villard.
Le rêve de Camille Serme, le soleil de Birmingham
C’est Enora Villard qui mis la puce à l’oreille en nous disant : “Des petits trucs nous ont fait tilt durant la préparation et la compétition.” Quels genres de petits trucs nous demandons-nous alors. “La semaine de la compétition, il avait plu toute la semaine mais le jour de la finale, il faisait beau”, explique d’abord la sociétaire du club de Créteil. Mais le point le plus significatif, c’est un rêve. Toutes deux, Villard et Alves, nous ont parlé d’un singe qu’a connu Camille Serme, dernière à passer à l’interview pour i-t-w. Nous restions un peu sur notre faim bien que nous sussions qu’il était question de rêve de victoire. A l’évocation de ce rêve, Serme rigole, s’en amuse presque, mais reste sérieuse, elle qui “accorde de l’importance à ce genre de petites choses” selon Villard. “C’est marrant mais juste avant le championnat de France, en février, je me suis réveillée un matin avec le souvenir d’un rêve. J’avais rêvé que nous étions championnes d’Europe. Moi, je me rappelle souvent de mes rêves et celui-ci je l’ai pris comme un rêve prémonitoire, un signe. Et je me suis dit : « Cette année ce n’est pas possible, on va le faire » “, dévoile la leader de l’équipe de France. Un rêve permet donc de soulever des montagnes anglaises indétrônables depuis des lustres. Cette victoire c’est le succès d’un groupe soudé, collectivement au-dessus du lot et qui a su s’accrocher à un rêve, à son rêve.