Longue Ride

shoot by Nina Richard

Manifeste de la ride : pour des larmes tièdes.

Muddy Monk est un mélancolique permanent, il fait partie de ces personnes qui ont intégré l’éphémère, ceux qui ne vivent qu’un jour, ceux qui savent que la nuit tue plus qu’elle donne conseil. Pour raconter les émotions qui font la vie, il propose Longue ride, un dix titres sorti l’année passée.

C’est un univers musical difficile à situer qui nous est proposé, proche de Jimmy Whoo et de ses ambiances Motel comme de Myth Syzer et des voluptés de Bisous, nous nous trouvons ici à l’intersection du hip hop et d’un entrelacs d’influences comme celle particulièrement importante de Sébastien Tellier dont l’Album l’Aventura (2014) a prêté son nom à l’une des pistes du projet. Ces producteurs araignées tissent une toile dont chaque fil est emprunt d’une sonorité particulière et ce n’est pas sans nous rappeler ON AIR que présentait Tomás Sarceno au Palais de Tokyo il y a peu. Cette exposition cherchant à thématiser, à sa manière et selon ses codes, l’éphémère et le fragile des liens que tisse le vivant dont ne nous sommes qu’éléments parmi d’autres. C’est peut-être là que se trouvent les émotions que Muddy Mon souhaite raconter, dans les passerelles que nous tendons tous les jours, dans notre rapport à l’autre et à nous-même.

C’est d’ailleurs sur Le code de Myth Syzer qu’une large frange du public francophone a pu découvrir pour la première fois Muddy Monk à travers un couplet détonnant qui marqua les esprits. Si nous savons déjà que le fleurs fanent, leur décomposition nous fait toujours mal.

Mais quels sont alors les liens que l’artiste suisse souhaite mettre en exergue au long de sa ride ?

L’amour et sa fin, la douceur en instants, la vitesse et ses risques. Si les liens se tissent, les liens se cassent et aux larmes tièdes de sécher sur nos joues. À nous de nous regarder pleurer. Ce sont peut-être ces instants privilégiés que cherche à cerner l’artiste dans la lignée des grands mélancoliques de la chanson française tels que Serge Gainsbourg et Alain Bashung. Ces moments d’intensité particulière, ces moments où la vie brille puis s’évapore, ces moments d’apaisement, de douceur qui semblent infinies puis s’effacent au rythme des écumes blanches. Ces moments ont un prix, il faut préférer le large aux plages jolies, adopter la vitesse, adhérer au danger, se mettre en jeu quitte à perdre la face. Rien ne nous empêche de le faire dans la tiédeur d’une ride nocturne…

Plus clairement, et sans abuser des ressorts littéraires inspirés de sa musicalité, ce que nous offre Longue Ride, c’est une douceur consciente de la vie et de ses apories, une douceur vive qui se sait en pleine combustion puisque c’est demain que l’on crève. A méditer.