INVISIBLE MAN

La maison Blumhouse est en plein revival des figures horrifiques des années 30. Après Invisible Man, il faudra compter sur Dracula et Wolfman. Ce qui est intéressant avec cet opus, c’est tout le déplacement du ressenti de la figure monstrueuse. Leigh Whannell, réalisateur du très réussi Upgrade et scénariste de Saw ou Insidious, prend le parti de raconter l’histoire du point de vue de la femme de l’homme invisible.

Le monstre n’est plus protagoniste et donc ne crée plus d’empathie, il devient ce qu’il est par essence : Une menace pure. Là où les premières adaptations pouvaient romantiser la figure du monstre, ici, on se place du côté de la victime et on y reste.

L’idée est remarquable. Magistralement interprétée par Elisabeth Moss (Mad Men, The Handmaid’s Tale, Us, Queen Of Earth...), The Invisible Man devient l’histoire d’une femme battue, violentée et dominée par son mari tyrannique. La séquence inaugurale, incroyable de tension, installe l’ambiance. Cecilia doit fuir. La peur se lit partout. A ce moment du film, le monstre n’est pas encore apparu. Cecilia a peur d’un homme. Toute l’intelligence mais aussi le trouble de cette séquence provient de ce postulat simple : Le monstre est simplement un homme.

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A l’ère MeToo, The Invisible Man remake selon une grille de lecture contemporaine et féministe. Tout au long du film, la parole de Cecilia va être remise en cause, questionnée, doutée ; son comportement va être perçu comme hystérique et sa santé mentale va être mise à mal. La figure d’Adrian Griffin, le mari, est celle du pervers narcissique. Séduisant, charismatique, brillant, manipulateur, dangereux. Son contrôle et sa domination vont dans un premier temps agir de manière psychologique. Le film joue avec ce trouble et ce doute de l’absent. Est-ce que le trauma de Cecilia prend le pas sur la réalité/plausibilité des événements ?

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Tout ceci est portée par une mise-en-scène brillante sur le visible, l’invisible, le champ, l’hors-champ, l’enregistrement et la véracité des images. Le cinéaste insiste, à raison, sur la peur du vide. Nous, spectateurs, nous mettons à douter de tout. Chaque espace devient présence, chaque recoin devient danger, chaque pièce devient prison. The Invisible Man devient une chasse à l’homme prenante et angoissante, d’un côté comme de l’autre. L’un cherche à rasseoir sa domination et son pouvoir, l’autre cherche à se libérer de cette emprise suffocante et mortifère.

Malgré toute la panoplie SF déployée et toute la technologie permettant l’horrifique ; le mal, le vrai, celui qui contamine tout le film est bien celui qui provient de l’homme et de sa toute-puissance. L’horreur est tristement réaliste et c’est ce qui prend aux tripes. On pourrait ajouter que l’aura d’Adrian rappelle la place qu’occupent aujourd’hui les hommes de pouvoir et d’influence. Comment le génie, le statut, la vista permet tout de leur côté, mais nous corrompt aussi dans notre appréciation. Avant d’être un agresseur, c’est un génie, un bon père, un grand patron etc. Au fond, Adrian est un Weinstein, un Epstein, un Nassar, un Trump. Le film ne s’y trompe pas.

De grandes séquences de bravoure à des twists bien sentis, Invisible Man est un excellent film d’horreur, et peut-être plus que cela, un excellent film sur un système patriarcal qui tue. Le film est très intelligent avec son sujet et est très clair là-dessus. Il n’y a aucun profil type, ni du côté des victimes, ni du côté des coupables. Il y a un homme et une femme, et un drame invisibilisé au milieu. Assurément l’un des meilleurs films de l’année.

Tous les ans, près de 50 000 femmes meurent, tuées dans le monde par un partenaire intime ou un membre de leur famille. Il serait temps de croire à ce que l’on nous montre.