Le retour de l’affranchi du rap français

@neetch_art

L’année prochaine, j’suis aux Césars ” scande Fianso pour signer son grand retour avec l’épisode XII. On ne sait plus trop où donner de la tête avec ce renversement énergique. Il aura fallu deux ans, après une pause de la série des freestyles #JesuispasséchezSo, deux années d’attente pour que l’artiste du 93 nous délivre enfin une suite.

Son dernier gros projet et pas des moindres était 93 Empire, il l’avait sauvagement défendu sur la scène du Zénith de Paris avec les artistes présents sur le disque. Le rappeur de Seine-Saint-Denis s’était exprimé sur la suite de son parcours en balançant “93 Empire est peut-être mon dernier album” ; une décision qui laissa quelques doutes auprès de son public. Utilisant habilement le conditionnel, il laisse planer le doute car on le sait, très peu de rappeurs parviennent à définitivement mettre un terme à leur carrière. 

Ce retour, Sofiane le signe avec Tarik Azzouz, producteur fraichement récompensé d’un Grammy Awards avec le titre Higher de DJ Khaled pour la meilleure performance Rap/R&B. Ces derniers avaient déjà collaboré sur l’album Bandit Saleté avec les titres Pégase et Parti de rien. Cette prod lui permet d’entretenir cette forme de provocation indissociable de sa musique, tout en parvenant à conserver un principe de storytelling. Comme à chaque rendez-vous de l’artiste, un visuel très fort est délivré, ici celui de Blanc-Mesnil (comme on l’avait vu dans le clip “Ma cité a craqué” avec Bakyl). Fianso s’est entouré d’une équipe capable de proposer des images réfléchies. Sans surprise donc, il revient à une collaboration avec Daymolition pour un clip signé Shems Cameron et Nettch. A présent arrêtons-nous quelques instants sur les « hommes de l’ombre » de ce douzième épisode. Le morceau a été mixé par Fred Nlaudu (l’ingénieur son d’Infréquentables de Dosseh et Booba ou encore d’Humanoïde de Nekfeu) et mastérisé par Éric Chevet, reconnu pour offrir des masterings de grandes qualités (Désaccordé de Vald ou bien Ma direction de la Sexion d’Assaut), le tout au studio Masterdisk Europe, accueillant les grands noms du rap français. 

Après tant de succès il n’hésite pas à paraitre dédaigneux en affirmant avoir fait « péter plus de mecs que Sony Music France ». Il ne perd pas son souffle et sait garder un flow très endurant pour le second couplet, soulignant qu’ici « on craint pas John Wick » (faisant probablement une allusion maline à l’affiche du deuxième volet de cette saga avec la campagne d’arrêt de bus JeSuisPasséChezSo).

Du Parrain, avec Johnny Fontane et Don Francesco, à un clin d’œil au Casino en passant par Al Pacino, Fianso ne manque pas de citer un cinéma qui l’a marqué. Une empreinte faisant partie intégrante de l’esthétique qu’il met en avant (covers, clips). Un fragment de culture qui lui a servi de nom pour son label. Déjà des années auparavant Les Affranchis était le nom de son premier groupe de rap lors des débuts avec Nock-Pi. Le label fut fondé en 2017 et s’associe en 2018 à la filiale Capitol Music France. Sofiane semble alors fièrement relever le rôle de producteur mais aussi de tenir fermement en main le spectre d’empereur du 93. Ces références au monde du cinéma ne sont pas anodines, le jeu d’acteur, Sofiane Zermani commence de plus en plus à le maitriser. Que ce soit avec la pièce de théâtre Gatsby le magnifique de Francis Scott Fitzgerald, ou encore avec ses rôles principaux dans Frères Ennemis de David Oelhoffen et la série Les Sauvages de Rebecca Zlotowski et Sabri Louatah diffusée sur Canal +. Maintenant le fils unique de la famille Zermani se sent de plus en plus détaché de la musique, loin de « la guerre du streaming » car il identifie 2020 comme étant son année : « frère l’année prochaine j’suis aux Césars ».

Presque grâce à lui, Soolking et Heuss L’enfoiré sont devenus de nouvelles têtes du rap français en l’espace d’une année. Du morceau Guérilla de Soolking qui fit résonner les rues d’Alger par ses manifestants, à Heuss qui ambiançait de nombreuses soirées (parfois mondaines) avec Khapta, parvenant à faire fredonner à son public des paroles dans lesquelles ils ne trouvent probablement aucune logique, Fianso déploie les cartes d’un jeu qu’il a créé. 

A présent faire du rap serait une manière d’esquiver l’ennui et pour densifier la complexité il dit lui-même « j’invite plus Soolking sinon c’est trop facile ». Si Sofiane est rendu à ce stade, ou les autres l’ennuie ou il s’ennuie lui-même avec un niveau trop élevé. Il finit donc hors-jeu ne trouvant pas de compétiteur à sa taille. 

Cet épisode ne lui permet pas de réaffirmer ce dont il est capable, s’il est de retour c’est qu’il a encore des choses à dire. Le rappeur de Bobigny parvient à proposer un morceau datant du printemps 2019, avec une actualité qui assomme une polémique tel un boxeur et son crochet du droit. A présent, peut-on espérer l’arrivée imminente d’un prochain projet ?