Mamadou Soro (ex-Le Mans FC) : « C’était un moment extraordinaire »

Mamadou Soro a inscrit trois buts cette saison, dont le plus important : celui de la montée. (© Icon Sport)

Le retourné inouï de Mamadou Soro synonyme de montée du Mans FC en Ligue 2 est encore dans toutes les mémoires. Pour i-t-w, l’attaquant ivoirien, non conservé par le club pour la prochaine saison, se confie sur ce but, le barrage face à Ajaccio, la saison folle qu’il a vécu dans la Sarthe et son départ du club, qu’il n’avait pas prévu.

« Je me suis dit, ‘’ne laisse pas le ballon descendre, prends-le de volée comme tu sais le faire.’’ Lorsque j’ai tiré, j’ai juste vu mes coéquipiers courir vers moi et crier. Je n’ai même pas regardé le but et j’ai traversé tout le terrain, je courrai dans tous les sens, s’enthousiasme Mamadou Soro. C’était vraiment un moment extraordinaire. À cet instant, on était en Ligue 2. » Grâce à un retourné improbable inscrit par son attaquant ivoirien à la 97ème minute, Le Mans composte son billet pour la deuxième division du football français.

La joie de Mamadou Soro à la sortie de la pelouse du stade Ange-Casanova d’Ajaccio après son but invraisemblable. (© Icon Sport)

Des montées en série

Si tout cela a été rendu possible, c’est parce que Le Mans – encore en CFA 2 (cinquième division) il y a trois ans – a accédé au championnat de France de National à la fin du printemps dernier, grâce à 17 buts de son attaquant arrivé du Danemark. « Le Mans, c’est le club qui m’a accueilli en France. La première année je me suis très vite adapté grâce à mes coéquipiers », confie l’avant-centre de 26 ans, reconnaissant. Cette saison, après une série d’invincibilité de 21 rencontres, l’équipe s’est écroulée l’hiver venue avec six défaites en huit matchs. « Je pense que ça fait partie du football mais si tu baisses les bras, c’est sûr que tu vas terminer la saison ainsi », tente d’expliquer Soro. Il pointe un moment charnière dans la saison des Manceaux, celui à partir duquel ils se sont mis à enclencher les victoires comme s’il en pleuvait, à l’image de leur début d’exercice : « Quand on s’est retrouvés à la quatrième place, on a reçu le soutien appuyé des dirigeants. Je pense que c’est ce qui nous a aidés à retrouver la victoire. » Au soir de la 33ème journée, à un match de la fin du championnat, Le Mans retrouve sa troisième place, synonyme de barrage face au 18ème de Ligue 2. « J’aimerais parler d’Ali Keïta, mon pote, qui a inscrit le but de la victoire à Marignane. Il a un mental d’acier et c’est grâce à ça que l’espoir est revenu. » La suite de l’histoire est connue : Le Mans bat Chambly, déjà promu, et s’offre le droit de rêver à une troisième montée de suite. « Le barrage, ça a vraiment été un sentiment de joie, c’était un bonus pour nous », indique le futur héros.

« Les Corses ont une manière spéciale d’accueillir »

Face au Gazélec Ajaccio, le match aller disputé dans une MMArena comble (« Je pense que tu ne peux pas baisser les bras quand tu joues dans ce stade-là »), se passe mal et, malgré des grosses occasions, le club sarthois s’incline 2-1. « Si on avait gagné, on serait sûrement parti en Corse avec un état d’esprit où on se dit ‘’voilà, on est déjà en Ligue 2.’’ Je pense que cette défaite nous a fait du bien », décortique l’avant-centre passé par Oman. Sur l’île de Beauté, l’accueil est… fidèle à la réputation corse : « Ils ont une manière un peu spéciale d’accueillir les gens », plaisante Soro. Alors qu’ils doivent s’imposer avec deux buts d’écart, les Sarthois regagnent les vestiaires à la mi-temps sur un score nul et vierge… Loin des objectifs. « On s’est dit, ‘’il reste 45 minutes pour aller en Ligue 2, même si c’est difficile d’y croire, faisons-le ensemble’’. C’est comme ça qu’on est retournés sur le terrain : avec une autre mentalité, celle de vouloir marquer », se souvient le buteur providentiel au parcours professionnel cahoteux.

Les pérégrinations de Mamadou Soro depuis le début de sa carrière en 2010
“Mon parcours est atypique parce que j’ai beaucoup tourné dans différents pays”, glisse d’entrée l’attaquant né en Côte d’Ivoire. Mamadou Soro est formé dans à l’Olympic Sport d’Abobo, académie située à 30 minutes en voiture du centre d’Abidjan. Lacina Traoré, ancien joueur de l’AS Monaco, sort de ce centre de formation comme Didier Ya Konan, international ivoirien appartenant actuellement au club allemand du Fortuna Düsseldorf. Après sa formation à Abobo, il rejoint l’Académie de Football Amadou Diallo (AFAD) de Djékanou, club d’Abidjan pensionnaire de Ligue 1 ivoirienne, pour trois ans. “J’ai fait une année où ça s’est très bien passé”, indique-t-il. Lors d’un match de tour préliminaire de la Ligue des Champions africaine, il inscrit les cinq buts de son équipe face à une formation de Sierra Leone. Le joueur ivoirien signe ensuite à la Renaissance Sportive de Berkane. “J’ai eu une offre de trois ans du Maroc, continue-t-il. Là-bas, j’ai eu une grosse blessure lors de la préparation de la deuxième saison. J’ai n’est pas pu jouer pendant un an.” “En revenant de blessure au Maroc, un nouvel entraîneur est arrivé et il ne voulait pas de moi, j’ai donc dû partir pour jouer au football”, explique Soro. C’est à Oman qu’il va retrouver un nouveau club. Il signe donc à Al Nasr Salalah où il inscrit 11 buts en 20 apparitions. “J’ai retrouvé la forme là-bas”, nous indique le joueur. Après un an à Oman, où il ne voulait pas rester (il avait un accord avec le président pour partir au bout d’un an), Mamadou Soro poursuit sa pérégrination en signant en D2 danoise, au FC Fredericia dans la province du Jutland. “C’était un peu compliqué là-bas parce que j’étais vraiment le seul, seul étranger du club, tout le monde était danois”, raconte le joueur. Il inscrit deux petits buts en 21 matchs. Mamadou Soro nous raconte enfin comment il est arrivé au Mans FC : “Quand j’ai fini la saison au Danemark où ce n’était pas trop ça, je suis rentré chez moi. Bertrand Marchand, mon coach que j’avais eu au Maroc, m’a appelé quand j’étais en vacances en Côte d’Ivoire pour me parler de l’offre du Mans. Il m’a parlé du projet et comme c’est un copain à moi et quelqu’un qui sent le football, je n’ai pas hésité et je suis venu au Mans. Moi j’avais à cœur de me faire connaître dans ce pays-là et Le Mans est le club qui m’a accueilli en France.” La première saison, il inscrit 17 buts en 30 matchs puis 3 en 33 rencontres lors du précédent exercice… mais le plus important, celui (incroyable) de la montée ! 
La chaude ambiance de la MMArena lors de l’entrée des joueurs lors du barrage aller.
(© Le Mans FC)

Le scénario insensé du temps additionnel

À un peu plus d’un quart d’heure de la fin du match, Rémy Boissier trouve l’ouverture à un moment où Le Mans jette toutes ses forces offensives dans la bataille. « On n’a pas cherché à défendre comme il se devait, il fallait marquer, dévoile Mamadou Soro. Le but de Rémy nous donne de l’espoir. Si on marque encore un but, on est en Ligue 2. C’est vraiment quelque chose de magique pour nous, on ne voulait pas passer à côté de cela. » Malgré tous leurs efforts, les joueurs de Richard Déziré n’arrivent pas à faire trembler les filets corses. C’est à ce moment que, sur un contre, les Ajacciens obtiennent un pénalty. « Ça nous a vraiment dégoûtés », glisse Soro.

« Le capitaine met un grand centre dans la surface, Stéphane Diarra, qui a pourtant du mal à faire des têtes pendant les matches (rires), met une superbe tête en retrait. Moi je vois le ballon en l’air et je me dis, si je dois contrôler ou remiser c’est sûr que les défenseurs vont sortir sur moi. Je me suis dit, ne laisse pas le ballon descendre, prends-le de volée comme tu sais le faire. J’ai essayé et voilà. »

Mamadou Soro

L’irrationnel entre alors en action parce que Niko Kocik, le portier du Mans, arrête la tentative de Wesley Jobello. « Niko fait un arrêt de malade qui nous sauve. Bravo à lui parce que ce n’était pas évident pour lui cette saison. Au début, personne ne le connaissait parce qu’il ne jouait pas. C’est quelqu’un de vraiment très bien qui sourit tout le temps. Je lui tire mon chapeau pour cette fin de saison », explique Soro, reconnaissant envers son ex-portier. Il ne reste plus que quelques minutes dans le temps additionnel et la grande majorité des Manceaux est dans la surface adverse. Sur les contres, « les attaquants d’Ajaccio ont cherché à aller marquer mais la chance ne leur a pas souri, comme nous à l’aller », confie malicieusement Soro, parce que la suite est connue. Sur le dernier ballon, le capitaine Stephen Vincent centre, Diarra remise de la tête sur Soro qui marque d’un retourné devenu culte. « Le scénario du pénalty et des occasions qui amène jusqu’à notre but, c’était un moment exceptionnel. Personnellement, je ne vais jamais oublier ce but », avoue celui qui mériterait une statue place de la République.

L’incroyable arrêt du gardien manceau, Niko Kocik (prêté par Valenciennes), sur le penalty ajaccien obtenu dans le temps additionnel. (© Icon Sport)

Le retour au Mans

Lorsqu’on lui pose la question du retour au Mans dans la nuit suivant le match, Mamadou Soro est ému : « Arriver à l’aéroport, voir les supporters, la famille, tout le monde qui vient t’accueillir, c’est un moment magique, très important. Entendre les supporters chanter (ils ont repris l’air culte de la ‘Frappe de bâtard de Benjamin Pavard’, ndlr.), ça m’a vraiment fait chaud au cœur et plaisir. On finit la saison avec beaucoup d’émotions. » Fier d’avoir fait remonter Le Mans en Ligue 2 ? « Aujourd’hui, si Le Mans en est là, c’est grâce à tout le travail abattu depuis le début de la saison et pas que grâce à Soro (rires). C’est un truc d’équipe auquel on a tous participé. Ce club mérite de revenir dans le monde professionnel. »

Au lendemain de la victoire en terre corse, la fête fut belle pour les héros dans le centre-ville du Mans. (© Le Mans FC)