YG 4REAL 4REAL

De hustler à héritier, YG clame son trône

On pourrait croire avec les évolutions du rap, lʼautotune, le lean rap, le sad rap et tous ces sous-genres, que le clivage West Coast/ East Coast est une notion obsolète. YG, tous les trois ou quatre ans, délivre un album nous rappelant que ce nʼest quʼune sombre illusion. Lʼété nʼest peut-être pas plus chaud sur la côte ouest américaine mais YG à toujours les mots et les beats pour sa bande-son parfaite. En 2014 sortait un album entier en collaboration avec DJ Mustard, My Krazy Life, illustration de ce quʼune fusion entre un rappeur et un producteur peut donner de meilleur, puis il y a eu Still Brazy et Stay Dangerous qui ne brillaient pas du même génie mais présentaient quelques tubes incontournables. Un des risques à être aussi productif cʼest quʼon ne peut pas faire que du bon.

Avec 4Real 4Real, YG revient plus vers ses sonorités de 2014: le gangsta rap, celui qui suinte la Californie par tous les pores. Avec ce que ce style implique de thématiques bitch, cars, money, drinks and dollar bills. Mais il y a quand même eu plus important au cours des derniers mois dans la vie de YG, la perte de son mentor: Nipsey Hussle. Lui-même avait été visé par une fusillade en 2015, sʼen sortant indemne mais la disparition de Nipsey Hussle a sans doute été plus dure pour lui que pour vous et la bromance qui les plaçait main dans la main sur le trône du gangsta rap californien se transforme donc en un règne un peu plus solitaire et un héritage à honorer.

Toujours autant passionné à la fois par les bitch et les snitch et le bas des blocs, YG nʼa pas changé dʼenvironnement mais il sʼest assagi et il a muri. Il a aussi compris la recette qui lui réussissait, quʼil nʼy avait pas besoin de suivre un schéma plus compliqué que celui quʼil connaissait déjà, quʼil nʼavait eu de cesse de perfectionner et dont il semblait maintenant parfaitement maitre.
Le titre dʼouverture, Hard Bottoms & White Socks reflète bien cette volonté et cette assurance dʼêtre quelquʼun de spécial dans le paysage rap, cette quête de reconnaissance, cette affiliation aux gangs, à Dre, Snoop ou encore Kendrick quʼil namedrop au panthéon du rap californien avant de le restreindre à Nipsey et lui sur une production de Lil Rich des plus laidback.

Même les ballades se calent sur cette rythmique binaire, Heart 2 Heart est une discussion entre Meek Mill, Rose Gold, Afin Ray et YG sur les problèmes dont ils sont témoin dans leur entourage: la drogue, les allers retours en prison, la difficulté de garder un cap quand lʼargent commence à être légion. Go loko produit par DJ Mustard fait intervenir Tyga et Jon Z pour une rythmique à la guitare latino et une check list de tous les mamacita, dinero, puta, loco qui résume plus ou moins le vocabulaire espagnol auquel font appel tous les rappeurs US avec un succès variable. Mais YG est différent, en faisant appel à Jon Z, rappeur Puerto Ricain et en sʼancrant à Los Angeles où la culture hispanique est plus quʼimplantée, on sort de la recette facile des rythmiques latino pour un titre qui est bien plus quʼun tube sexy de lʼété.

Stop snitchin reprend mêmes les vocals et les bons back up présents sur Still Krazy, les « oh oh », les accélérations de flow comme pour mettre le coup de pression qui va avec lʼinjonction « stop snitchin ».
Les basses sont redevenues plus lourdes, les rythmiques sont devenues plus lentes donc plus menaçantes comme sur I was on the Block avec Valee et Boogie. Le titre Play Too Much sort des schémas habituels où typiquement « the nia played the bitch » pour renverser le prisme sur une production qui pourrait être lʼarchétype parfait dʼune instrumentale west Coast par 1-O.A.K, avec ce côté très chill, un peu soul/rʼnʼb et surtout très old school. Cʼest aussi le cas sur Do Yo Dance, les rythmiques et les flow de Kamaiyah, Rj, Mitch et Ty Dolla. $ign sʼinscrivent tous dans lʼhéritage très normé du rap californien, impossible de ne pas penser à Snoop sur lʼinstrumental, impossible de ne pas se rendre compte quʼils connaissent tous leur histoire avec lʼintervention de Mitch.

Si les thèmes restent plus ou moins les mêmes et quʼon tombe parfois dans un jugement un peu misogyne des moeurs comme sur Keisha had a baby, force est de constater que les mots et les actions de Nipsey ont eu une influence plus que positive sur le rappeur de Compton. La violence est contenue, la misogynie contrebalancée sur Her Story avec Day Sulan. Lʼalbum se clôture sur My Last Word, une tribune revenant sur le fait que malgré leur affiliation à deux gangs différents, les Bloods et les Crips, les deux hommes avaient réussi à outrepasser ce qui cantonne une certaine partie de la communauté à des affrontements binaires et sans réelle origine pour se faire à la fois grandir lʼun lʼautre et tenter de faire évoluer cette même communauté. 4REAL 4REAL échelonne donc sur 14 titres une histoire à la fois de la west Coast, du gangsta rap et de la vie de YG avec lʼinfluence de Nipsey Hussle en fil rouge. Maintenant que Nipsey nʼest plus là et que tout le monde tourne la tête vers YG, le rappeur semble réaliser les attentes quʼil suscite et lʼhéritage quʼil représente, sʼen saisir à pleines mains et réussir à conforter tout le monde sur le fait quʼil nʼa jamais été aussi prêt.