Akazera danse avec ses chimères

Dans les années 1975, Jodorowsky souhaite adapter l’univers du roman de Frank Herbert ‘Dune’ au cinéma. Un budget faramineux se construit au fil de son écriture. Le film réserve un casting prodigieux avec la participation d’Orson Welles et Dalí, mais finira par rester au stade inachevé par faute de moyens. Laissant échapper une vision et un univers particulier, il ne restera que des croquis de Mœbius ainsi qu’une histoire fabuleuse qui sera retranscrite à travers le documentaire Jodorowsky’s Dune. 

L’envie d’aboutir à ce que nous développons, peut être un exercice ambitieux. La patience est souvent la clé de ces enjeux, et certains projets ne sont réalisables sans périodes de battements. Mais au moment où l’on concrétise ses idées, c’est comme une première pierre qui vient consolider une vision artistique. Et c’est justement grâce à cette patience que Akazera a livré son projet Anésyme.

Shoot by @joaquim_afonsods

Après ses débuts au sein du collectif nantais Maison Paille, Akazera propose aujourd’hui un univers plus défini, faisant suite à son premier projet AZA sorti en 2020. Anésyme est un néologisme ; signifiant l’instant où le début et la fin se rencontrent, ce mot appartient à un univers fictif. Un monde fictif que Akazera alimente depuis de nombreuses années. Organisant les reliefs de ce monde à travers différentes couches de création, Akazera inscrit le projet Anésyme comme la bande originale de cet univers. 

Pour la production, Akazera s’est uniquement entouré de ses machines et de son imagination. Officiant en tant qu’ingénieur son au studio ATMA, Anésyme a paradoxalement été enregistré chez lui, dans sa bulle : “j’avais du mal à enregistrer et composer au studio, c’est là où je voyais tous les clients en tant qu’ingénieur son donc je ne me sentais pas vraiment à l’aise de faire de la musique ici”. C’est donc au moment où le monde s’éteint qu’il crée et compose son univers. Le confort de cette bulle a donné cette note de sincérité durant l’enregistrement du projet.
En apportant “une image qui n’est pas commune au rap”, Akazera s’est davantage autorisé “à faire des erreurs ” afin de “trouver ce qui me [lui] plaît dans tous ces tests” ; il poursuit : “ça m’a bien servi pour « Chimère » où je lie de la musique orchestrale à de la musique plus moderne avec des 808 etc., il a fallu que je fasse une petite dizaine de prods sans savoir où ça allait me mener”. Les premières intentions du morceau « Chimère » étaient de composer “une prod orchestrale en référence à la musique des funérailles de Padmé (personnage de Star Wars, ndrl), un espèce de requiem un peu sombre”. Cette teinte mélancolique se glisse subtilement au fil du projet, et lui laisse l’occasion de présenter une touche artistique variée. En témoigne le morceau « Lorhomage » qui se termine sur une musicalité que l’on pourrait rapprocher à de la house.

Alème, identité de l’univers de Akazera

Cette volonté d’apporter une dimension orchestrale à sa musique, Akazera l’a très bien reflété lors de sa release party en donnant une autre dimension à ses morceaux. Une façon de ressentir pleinement la couleur musicale du projet mais aussi l’engagement qu’il s’était donné. Par cette occasion, l’artiste nantais avait conçu une tenue en collaboration avec Joséphine Ravier. D’apparence simple dans sa vie quotidienne, on découvre une autre personne sur scène. Ne voyant pas cette tenue comme un alter-ego, lui dévoile une “partie que je n’ai pas l’habitude de montrer autrement, quand je mets la tenue je ne vois plus Tom mais Akazera”. Car ce que raconte Anésyme se passe entre le monde réel et le monde fictif de Akazera. Le morceau « Immortel » “est complètement une fiction, c’est une histoire qui se passe avec les personnages de l’univers”, ensuite certaines phrases empruntées à l’univers se dispersent en filigrane dans sa musique.

Cover de Anésyme réalisée par Akazera

Le monde que développe Akazera ne porte pas de nom mais possède son alphabet, un alphabet que l’on retrouve en arrière-plan de la pochette. Inspiré par le symbole et la symbolique du Yaz (ⵣ) lors d’un voyage au Maroc, Akazera avait intégré ce signe sur son projet AZA en 2020, avant de le retravailler avec l’artiste Mishaaahsim pour la pochette d’Anésyme. Ses compétences dans le dessin, la 3D, la musique et l’interprétation, lui permettent d’apporter une vraie complémentarité sur sa vision artistique et son processus créatif. Dans l’attente d’un clip à la hauteur de ses envies, plusieurs visualiseurs ont été créés en 3D pour alimenter l’univers visuel de ces morceaux.

En plus de dresser le portrait d’une relation sentimentale, ce que raconte Akazera sur ce projet est une volonté de composer avec ce qui l’entoure, d’“accepter que ce qu’il y a derrière, tu peux aller le chercher plus tard”. Anésyme a permis de “percer une couche” : l’artiste appréhende aujourd’hui un rapport à la musique plus décomplexé en ayant déjà produit toutes les maquettes du prochain EP.