Passées les zones montagneuses, le ski alpinisme est un sport encore trop méconnu en France. Il véhicule pourtant les valeurs essentielles de la vie : l’entraide, le partage, le dépassement de soi ou le respect. Pour i-t-w, Bastien Flammier, champion de France juniors par équipes cette année accompagné de Clément Charles, raconte son hiver, son sport, le ski alpinisme, et les valeurs afférentes à celui-ci.
« C’était une très longue saison, de décembre à fin avril, assez compliquée mais lors de laquelle j’ai emmagasiné beaucoup d’expérience pour l’année prochaine et le passage en catégorie espoirs. » D’emblée, le perfectionnisme de Bastien Flammier surgit. Un perfectionnisme qui lui a permis, tout de même, de réaliser une saison très complète avec des médailles de bronze nationales lors de l’individuel et de la course verticale et, surtout, le titre de champion de France par équipes avec son pote du club d’Albertville Clément Charles. Un sommet de la jeune carrière du skieur alpiniste de 20 ans. « Je suis très fier d’avoir pu remporter cette course », atteste celui qui est sponsorisé par le fromage Beaufort.
La découverte des Mondiaux
« Au niveau international, j’aurais aimé entrer dans le top 5 d’une Coupe du monde, ce que je n’ai pas fait », révèle le Savoyard, perfectionniste. Pourtant, Bastien Flammier est entré dans quatre tops 10 l’hiver passé avec la dixième place de la vertical race de Disentis (Suisse), la neuvième place lors de l’individuel de Font Blanca en Andorre et deux places de septième décrochées à l’occasion de la course verticale andorrane et de l’individuel disputé lors de l’étape française, à Dévoluy.
Avec le titre national acquis avec son coéquipier Charles, l’autre grand moment de la saison de Flammier, c’est sa participation aux Championnats du monde de Villars, en Suisse. « C’était une expérience unique avec toute l’équipe de France. Ce n’est pas la même ambiance avec beaucoup plus de stress, de tension, c’est un moment à part. Tout le monde est mieux préparé et le niveau est bien plus dense que pour une Coupe du monde. » Si ses résultats obtenus lors de cette compétition (neuvième de l’individuel, douzième de la vertical race) sont loin d’être aussi probants que ceux des seniors Lorna Bonnel et Axelle Gachet-Mollaret – championnes du monde du relais et de la compétition par équipes -, ils s’inscrivent dans la continuité de ceux obtenus en Coupe du monde le reste de l’hiver.
Une passion venue du père, une idole légendaire, un double circuit
Venu au ski alpinisme grâce à son père amateur de ski de randonnée (la version amateur du ski alpinisme), Bastien Flammier montera en catégorie espoirs l’hiver prochain. Un palier supplémentaire de gravit avant l’entrée dans le grand bain des seniors dans trois ans. « Il y a des paliers à passer en ski alpinisme, surtout au niveau des formats de courses. L’année prochaine, étant espoirs, les temps de courses seront multipliés par deux et seront égaux à ceux des seniors », explique l’Albertvillois. Pour arriver au niveau de son idole Killian Jornet – « J’ai grandi avec ses exploits et quand j’ai commencé le sport, je voulais lui ressembler », commente-t-il -, Bastien Flammier a encore du pain sur la planche. « En attendant, il nous explique quelles sont les courses mythiques du calendrier. En plus du circuit Coupe du monde, il y a celui des Grandes Courses regroupant les six compétitions majeures du ski alpinisme. La Pierra Menta en France et le Tour du Rutor en Italie sont les deux plus mythiques parce qu’elles se disputent sur quatre jours, avec 10 000 mètres de dénivelé positif pour la Pierra. Après il y a les trois courses à la journée avec des dénivelés positifs dépassant les 4 000 mètres : la Mezzalama (Italie), l’Adamello (Italie) et la Patrouille des Glaciers (France). Et puis il y a l’Altitoy dans les Pyrénées françaises, autour du Pic du Midi. Ce sont des courses réservées aux seniors. »
Un sport aux valeurs nobles
« Il y a beaucoup de partage entre les concurrents, le ski alpinisme est très attaché à ça ». En quelques mots Bastien Flammier pose la valeur cardinale de son sport. Pour étayer son propos, le Savoyard prend un exemple… très rugbystique : « Les meilleurs moments ce sont les courses par équipes et notamment la troisième mi-temps. » Avec son coéquipier Clément Charles, il a connu un moment de pure émotion lors des championnats de France par équipes 2019. « C’était fort en émotion quand on a réalisé qu’on l’avait fait, retrace-t-il. Pendant toute la course, on ne pense pas à la finalité mais le moment où on voit la ligne et où on comprend que cette course à laquelle nous rêvions depuis le début de notre carrière est gagnée, c’est phénoménal. Les nerfs lâchent. Les courses par équipes représentent vraiment, pour moi, ce qu’est le ski alpinisme, avec le partage de la course avec son coéquipier. »
Un partage intergénérationnel
Mathéo Jacquemoud, quadruple champion du monde, partage toute son expérience avec le groupe de Bastien Flammier, qu’il entraîne. « Notre coach qui était encore coureur il y a deux ans, nous a appris à réaliser les conversions (virages sur une pente raide, ndlr.) d’une nouvelle manière. Il s’est entraîné tout un hiver pour exécuter parfaitement cette technique. Cela lui avait permis de remporter une Coupe du monde. Moi, ça m’a permis de gagner des places cet hiver en course, explique Flammier, reconnaissant. Les seniors nous racontent souvent des situations qu’ils ont vécues et comment ils ont fait pour s’en sortir. »
D’autres valeurs notables
Le ski alpinisme ne se résumant pas au seul partage, les athlètes mettent également en avant d’autres valeurs. Le dépassement de soi revient souvent, notamment lors des courses par équipes où les skieurs veulent donner le maximum pour leur coéquipier ou leur club. Dans la continuité, l’entraide est également indispensable et se caractérise, notamment, par l’utilisation d’un élastique en montée ou le port des skis de son coéquipier en difficulté lors les parties piétonnes de la course. Enfin, et c’est sans doute la plus importante des valeurs véhiculées par le ski alpinisme, il y a le « respect envers les adversaires mais aussi la montagne, qui sera toujours la plus forte », termine le jeune homme de 20 ans. Cette montagne qui a emporté Michel Canac (1), un de ses enfants, la semaine dernière. Comme un rappel de sa toute-puissance.
(1) Michel Canac (1958-2019) était un skieur alpin spécialiste de slalom ayant marqué l’histoire en faisant évoluer la technique de passage des piquets. On disait ‘’passer un piquet à la Canac’’. Devenu guide de haute montagne à Briançon, il est décédé le 30 mai dernier au Glacier Noir en Haute-Savoie en chutant d’un sérac (bloc de glace entouré de crevasses).